mercredi 30 avril 2008

GAIUS BASTARD

Déjà une semaine que nous avons accueillis un nouveau membre dans notre petite famille. Au rythme où ça va, l'appartement va devenir une vraie ménagerie : après le chat noir TOOROP, voici GAIUS, le beau labrador "croisé chasse" ! 11 mois, et toutes ses dents, surtout quand il s'agit de mettre en pièce mes monstres japonais en plastique durant mon absence (déjà 5 soldats tombés au combat, grrrrrrrr...)

Pour ceux qui se demanderaient pourquoi nous avons baptisés le chien GAIUS, sachez que ça n'a rien à voir avec le GAIUS qui était juriste à l'époque de l'antiquité. La référence est plutôt à chercher du côté de la série BATTLESTAR GALACTICA.

JESSE PHILIPS VERSUS IRON MAN

L'adaptation cinématographique de IRON MAN sort aujourd'hui sur nos écrans.
Même si le film n'a pas l'air fameux (malgré la présence de l'excellent Robert Downey Jr.), le désormais célèbre cinéma d'Austin, Texas, le ALAMO DRAFTHOUSE CINEMA (je dis "célèbre car le cinéma apparait à l'image lors du générique du DEATH PROOF de Tarantino, si si) vient de redemander à JESSE PHILIPS de leur designer une affiche pour la soirée spéciale qu'ils ont organisés il y a 2 jours.
Bien évidemment, elle est superbe !

Pour ceux qui seraient intéressés, cette affiche est dispo via le site de MONDO TEES.
Avis aux amateurs !
Elle sera aussi probablement visible un jour futur au Comoedia, lorsque nous organiserons la seconde édition de SOUS LE SIGNE DU B (même si il faudra trouver un autre titre ce coups ci, IRON MAN n'étant pas spécialement "bis").

dimanche 27 avril 2008

TERRENOIRE : EDITEUR DE COMBAT

Vendredi, aller boire un petit coup aux locaux des Editions TERRENOIRE nous a permis de découvrir leurs 5 derniers ouvrages, dont l'excellente "version mise à jour" du MEILLEUR DES MONDES, adaptation libre du livre d'Aldous Huxley travaillé à la façon des détournements situationnistes de comic books. Ouvrage que je me suis empressé d'acheter, que j'ai commencé et qui s'avère d'une rare pertinence, autant dans le propos (réactualisé : exit la critique du taylorisme, bonjour la critique d'un monde pragmatique hyperconvivial, rationaliste, individualiste & égocentrique jusqu'à l'écœurement) que dans le travail purement graphique (choix des cases, choix des propos que l'on fait tenir aux personnages, continuité narrative entre les diverses sources utilisées).


D'autres ouvrages non moins intéressants viennent d'être également publiés :
Le "catalogue" de l'expo DETRUIRE LA PENSEE UNIQUE, CECI N'EST PAS DE LA MASTURBATION MENTALE (critique de l'art contemporain vu par le biais de son discours dé-contextualisé et coupé de tous rapport sensible à l'oeuvre), MARQUES DEPOSEES (pertinent dictionnaire des slogans publicitaires mettant à jour la séduction qu'opère l'utilisation systématique d'un certain langage), et enfin MASS HYSTERIA, impressionnant cut up de photos et de textes réalisés autour de l'élection présidentielle de 2008 analysé comme un immense spectacle médiadramatique.


Ceci dit, outre la joie de voir TERRENOIRE de retour sur le champs de bataille, avouons que cinq livres d'un coup c'est un peu beaucoup d'un coup pour le porte monnaie. Oh les amis, vous voulez tuer le marché en l'inondant, ou quoi ?
Quoi ? OUI ?
Bon, ok.

vendredi 25 avril 2008

PETIT DEJ' CHEZ NICOZ

NICOZ BALBOA (interview ci dessous) vient de créer un nouveau blog où vous pourrez lire quotidiennement (à partir de 9h du matin, pile poil à l'heure du petit déjeuner - enfin, si vous êtes un lève-tard ou une saleté de chômeur ou d'artiste) une petite BD de la miss.
C'est ICI que ça se passe, enjoy !

dimanche 20 avril 2008

NOUS SOMMES TOUS TRAVIS BICKLE

2 mai 1998: «Voilà presque une semaine que je suis revenu d'Israël. J'ai un goût amer dans la bouche et dans mon cœur. Je n'ai pas eu assez de contacts avec les israéliens et les palestiniens. Cette terre n'est pas la mienne. J'ai maintenant l'intime conviction de ne pas croire en l'existence de Dieu et de la vie après la mort. Il m'arrivera souvent dans le futur de me mettre à prier à ma façon parce que j'aurai peur et que je me ferai l'illusion d'être écouté et d'être racheté parce que je reconnaîtrai que je me suis trompé et que j'ai échoué. (...) J'écris parce que j'espère me prouver que je suis encore en vie même si objectivement tout prouve le contraire.»

9 février 1999: «J'en ai marre d'avoir dans la tête, toujours cette phrase qui revient perpétuellement: «je n'ai pas vécu, je n'ai rien vécu à 30 ans». J'en ai marre de rester des heures à écouter la radio pour ne pas me sentir coupé du monde et de rester certains soirs scotché devant la télévision alors que je sais que c'est une machine à décérébrer et à abrutir les gens et les esprits. J'en ai marre d'attendre désespérément une lettre ou un coup de téléphone alors que je n'existe plus pour personne, que je suis oublié de tous... Je n'ai jamais su me battre. Je n'ai jamais su apprendre à m'aimer un peu (sans être nombriliste et égocentrique). Je me mets toujours moi-même mes propres freins. Je tends toujours les perches et les bâtons pour me faire flageller par les autres. Marre d'être le dépressif et le type qui fait pitié (dans le meilleur des cas) de service. Je suis fatigué de voir mon corps et mon visage vieillir et de constater que le temps passe et que je n'ai rien. (...) Je ne peux plus être au bas de l'échelle et voir tous les gens que j'ai côtoyés progresser dans la vie (mariage, vie en couple, indépendance financière, rupture ombilicale avec la famille, carrière professionnelle et manœuvres pour y progresser).

Je me sens bloqué parce que je n'ai pas de femme. Je me sens bloqué parce que je n'ai pas appris à être indispensable pour un groupe de personnes. Je suis foutu parce que je n'ai plus de repères sociaux et affectifs. Je ne suis plus qu'un numéro d'immatriculation dont tout le monde se fout. J'ai un bandeau sur les yeux et je tourne en rond dans une pièce en me cognant toutes les 10 secondes à un meuble ou contre un mur. Je ne veux pas crever sans avoir beaucoup baisé. Je ne veux pas crever sans avoir été amoureux et sans qu'une femme ait été amoureuse de moi, même si je suis faible, déglingué et immature et que j'ai déjà plus de 30 ans. Je ne veux pas crever sans avoir connu du monde à l'étranger, sans avoir eu un seul, même s'il n'y en a qu'un, ami. Je ne veux pas crever sans avoir connu des choses belles et graves dans le monde. Par exemple, certains paysages, un lieu où je me sentirais bien (désert, montagne, milieu équatorial, tropical), nager près des baleines, des dauphins. Depuis des mois, les idées de carnage et de mort sont dans ma tête. Je ne veux plus être soumis. Je ne veux plus manquer d'audace et me planter. Pourquoi devrai-je me détruire et souffrir seul comme un con? Même si on me maudira, si on me prendra pour un monstre, je me sentirai plus floué et humilié. J'ai envie de vivre. J'ai envie d'aimer. Je veux grandir, je veux me battre et trouver un combat auquel je crois, même si je perds. Ma mère ne peut rien pour moi et nous nous détruisons mutuellement. Je n'ai plus de famille, plus de référents, plus d'idéal et je n'ai toujours pas trouvé mon identité à 30 ans.»

10 février 1999: «Je suis fatigué de fuir. Je fuis parce que je ne sais pas comment me défendre. Je suis toujours le vaincu. Je m'imagine toujours en train de perdre et j'en ai honte, alors je ne fais rien. J'ai honte d'être resté cet été à suivre cette Coupe du monde de merde au lieu de faire un séjour dans le désert ou dans un pays ou un lieu où je pense que j'aurais pu être heureux, ne serait-ce que quelques jours. Je crève, je deviens paresseux et dans quelque temps je vais tomber dans la désocialisation. Je vais partir dans le convoi humanitaire organisé par Roland en espérant d'une façon latente que, soit il se passe un électrochoc et je rencontre des gens qui vont me donner goût à la vie, soit je crèverai là-bas. Je fais un pari stupide. Il faut qu'il se passe quelque chose dans ce voyage humanitaire, ou il n'y a plus rien. Je veux m'arracher de cette maison (de chez ma mère), de cette ville, de cette monotonie, du chaos. Je crève trop. Je veux voir si je peux vivre un peu. Tout cela doit cesser. Ou je trouve le goût de vivre ou je meurs d'un coup sec mais pas petit à petit comme je le fais.»

2 janvier 2002: «Je vais maintenant tenter de fouiller ce qu'il y a de plus profond en moi. Par goût de l'auto flagellation, par piété narcissique et morbide, par ultime instinct de survie pour m'en sortir, par espoir que cela me guérira? Ou alors est-ce que je tente à nouveau d'écrire sur ce que je suis et ce que je fais en espérant échapper à l'ennui et au vide? Je m'appelle Durn Richard. J'ai plus de 33 ans et je ne sais rien faire dans la vie et de ma vie. Je suis onaniste depuis au moins vingt ans. Je ne sais plus ce qu'est le corps d'une femme et je n'ai jamais vécu de véritable histoire d'amour. Je me branle par solitude, par habitude du dégoût de moi-même, par volonté d'oublier le vide de ma vie et sans doute par plaisir. Mais quelle sorte de plaisir ai-je véritablement? J'ai raté mes études et n'ai aucune profession car j'ai peur de travailler et de prendre des responsabilités. Je ne sais pas comment me battre dans le monde du travail, me lier avec les gens sans chercher à m'attacher à eux comme un enfant perdu sans la présence de ses parents. (...) Je suis donc sans fonction sociale et sans source de revenus. Le 9 octobre 1999 a été une date importante dans ma vie de lâche et de crétin. Voyant que je n'ai pas été accepté à l'école Bioforce pour devenir logisticien humanitaire, que je n'avais ni logement, ni petite amie (je n'avais pas fait l'amour depuis des années ni pendant les grandes vacances), j'ai renoncé à la vie. J'ai baissé les bras. Je pouvais suivre la formation pour devenir conseiller principal d'éducation en institut universitaire des maîtres, mais pourquoi? Pour faire un boulot que j'abhorrais si j'avais réussi le concours. J'ai toujours détesté le métier de pion que j'ai fait, où j'étais moins que rien et où j'étais humilié et dans lequel j'ai végété. J'ai mal et je suis plein de haine. Mais cette haine ne s'extériorise pas. Elle est refoulée. Le conformiste que je suis a besoin de briser des vies, de faire du mal pour au moins une fois dans ma vie avoir le sentiment d'exister. Le goût de la destruction, parce que je me suis toujours vu et vécu comme un moins que rien, doit cette fois se diriger contre les autres parce que je n'ai rien et que je ne suis rien. Pourquoi continuer à faire semblant de vivre? Je peux juste pendant quelques instants me sentir vivre en tuant.»

«Je me suis levé, j'ai sorti le Glock 19 qui se trouvait dans la poche extérieure droite de ma parka, a déclaré Richard Durn aux policiers. J'ai commencé par viser et à ouvrir le feu sur la mairesse, Mme Fraysse. J'ai visé droit devant moi, je pense l'avoir atteinte mais je n'en suis pas sûr. J'ai agi comme un robot, je n'ai prononcé aucune parole. J'ai débuté le tir sur Mme Fraysse, car elle était au milieu. Je n'avais pas défini d'ordre précis dans mon exécution, je voulais tuer le plus de personnes possible, puis me tuer. (...) Je ne sais pas qui j'ai pu blesser ou tuer. Je voyais seulement du sang et j'entendais des cris. La seule personne que j'ai visée intentionnellement était Mme Fraysse. Je l'ai visée pour sa qualité de maire, mais aussi parce que je ne la respectais pas.» «Puisque j'étais devenu un mort vivant par ma seule volonté, affirme-t-il, je décidais d'en finir en tuant une mini-élite locale qui était le symbole et qui était les leaders et décideurs dans une ville que j'ai toujours exécrée. Je n'ai pas trouvé les antidotes pour me respecter moi-même et les autres. Je n'ai pas atteint un idéal d'humanisme et m'étant laissé aller au désœuvrement et à l'échec, j'ai voulu tuer pour prendre une futile et infantile revanche sur moi-même et sur ces symboles de puissance qu'ils constituent.»

«J'ai voulu connaître la griserie et le sentiment d'être libre par la mort
RICHARD DURN
(merci à DK pour la transmission du texte)

mardi 15 avril 2008

MFM : VALERIE AND HER WEEK OF WONDER

MY FAVORITE MOVIES # 02
VALERIE AND HER WEEK OF WONDER
jaromil jires (1970)



Habituellement, les films fantasmagoriques, iréels, féériques, ce n'est pas mon truc. Pourtant, quelque chose m'a immédiatement séduit chez VALERIE AND HER WEEK OF WONDER. Faut dire qu'il y a deux/trois petits éléments qui aident : y'a ce qu'il faut de cruauté, et y'a même pas mal de fesse (même si, bon, avouons qu'on reste un peu sur sa faim).

VALERIE AND HER WEEK OF WONDER est le genre conte qui ne fait pas dans l'allégorie, ni d'ailleurs dans la morale pour petites têtes blondes. Non,
VALERIE AND HER WEEK OF WONDER, libre adaptation d'ALICE AU PAYS DES MERVEILLES ne cherche pas à cacher ses influences ou à nous faire croire qu'il a quelque chose de plus à ajouter sur le sujet. Partant de ce principe, le film se déploie comme une sorte de variante formaliste et érotisante de son modèle. S'adressant avant tout aux adultes, VALERIE AND HER WEEK OF WONDER choisit d'assumer pleinement ce qui était auparavant codé dans le roman de Lewis Carroll (récit initiatique d'une petite fille devenant l'adolescente) et en profite pour s'affranchir des lieux où est censé se passer l'histoire. Ici, point de terrier de lapin ouvrant vers un univers parallèle, le monde de VALERIE, c'est son univers quotidien, mais où plus rien n'est à sa place, où la grand-mère est peut-être la tante, l'amant peut se révéler être le frère, le démon un père maudit. A priori, rien ne distingue vraiment l'univers tangible de l'univers fantasmagorique dans lequel évolue VALERIE (l'image, floue, Hamiltonnienne, reste constante tout au long du films), à tel point qu'il devient très vite difficile de savoir de quel côté du miroir nous sommes. Le seul indice qui puisse nous aider sont ces moments où VALERIE met à sa bouche ses boucles d'oreilles, ce qui lui permet de passer d'un espace-temps à un autre.

Très vite, ce désir de certitude s'estompe, on finit très vite par ne plus chercher où nous sommes et savoir qui est qui, le voyage finit par se suffire à lui-même. Le film est probablement à prendre de la sorte, comme une sorte de préfiguration à un LOST HIGHWAY où la destination importe peu, mais où seul compte la déambulation, les lieux et les figures qu'on y croise.
Ce détachement que le film abhorre vis à vis de la fonction classique et didactique du conte montre bien à quel point
Jaromil se reconnait dans la démarche post-moderne, dans la mesure où l'enseignement qu'est censé nous offrir l'histoire est déjà acquit, et où il ne reste plus au cinéaste que de permettre l'errance dans un univers clos de ses personnages...




























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Pour ce qui est de la bande originale du film, elle est téléchargeable ICI. Elle a été composée par Luboš Fišer, compositeur Tchèque de musique de chambre qui se fendit de cette somptueuse et hallucinante BO à la fin des années 60.
Autant vous dire que sur nos platines, elle tourne très, très régulièrement. Le CD et le 2xLP a été réédité chez FINDERS KEEPERS, le label anglais qui nous offrit également il y a quelques mois de cela l'opera-rock avant-gardiste de L'ENFANT ASSASSIN DES MOUCHES de Jean-Claude Vannier.

dimanche 13 avril 2008

INK SABBATH

La super-active association ARCHIERPOINTCOM nous invite à Annecy afin d'y exposer nos sérigraphies. Cette expo, répartie sur deux lieux prendra place au COMPTOIR DE LA FOLIE ORDINAIRE dès le 08 mai (le vernissage est prévu à 18h30) et au BRISE GLACE à partir du 09 mai, le soir d'un concert garage où joueront JACK BURTON d'Annecy et les WEAKENDS de Bordeaux.
Bref, ça va barder !

samedi 12 avril 2008

MFM : SWEET SWEETBACK'S BAADASSSSS SONG

MY FAVORITE MOVIES # 01
SWEET SWEETBACK'S BAADASSSSS SONG
melvin van peebles (1971)




SWEET SWEETBACK'S BAADASSSSS SONG = le A BOUT DE SOUFFLE du cinéma afro-américain. Le genre de film a balancer à la poubelle toutes les conventions du cinéma traditionnel et à vous décomplexer toute une vague de cinéastes. Si MELVIN VAN PEEBLES n'avait pas tourné ce film, il ne fait aucun doute que l'émergence du mouvement Blaxploitation aurait été retardé, ou du moins aurait connu un destin tout autre (il serait plus classe de dire des phrases du genre "n'aurait jamais vu le jour", mais j'en doute, tant le cinéma Blaxploitation était voué à éclore tôt ou tard à cette époque).
En revoyant SWEET SWEETBACK aujourd'hui, il est difficile d'imaginer à quel point ce film fut révolutionnaire à sa sortie. A l'époque, jamais on avait cadré un film de la sorte, jamais on avait monté un film comme ça, jamais on avait utilisé la musique de cette manière, jamais on avait filmé un noir de la sorte, jamais un tel personnage n'avait été inventé (quasi muet, pure abstraction mue par une rageuse volonté de survivre, vouée à la fuite). Mais surtout, jamais un cinéaste noir n'avait réalisé un film aussi agressif, sexuel et politique, dans un tel mépris du qu'en-diras-t-on (ou plutôt du qu'en-diras-l'homme-blanc) du "milieu".

Well... Je pourrais vous en écrire des tartines, mais à quoi bon écrire et véhiculer sur la toile toujours les mêmes lieux communs sur ce film quand il vous suffirait de vous procurer SWEET SWEETBACK'S BAADASSSSS SONG, l'excellent livre paru chez ROUGE PROFOND et contenant des textes originaux racontant la genèse du film + pas mal d'analyses de chercheurs aussi émérites que JEAN-BAPTISTE THORET ou encore NICOLE BRENEZ ?



"Ce mépris de la grammaire cinématographique, est une façon supplémentaire de résister aux règles fixées par les Blancs. Les techniques académiques sont remplacées par une "hypertrophie" des moyens offerts par le cinéma (zoom, décadrages, faux raccords, saturations des couleurs, filtres), moyens alors uniquement explorés par le cinéma dit "expérimental". Bruits, voix et musiques sont intégrées dans le même mouvement musical : la pulsation donnée par le riff est souvent contestée, mais elle ne disparait jamais. la permanence de cette pulsation rend encore plus perceptible cette conquête de l'espace par le corps de Sweetback. Seule compte l'énergie du héros, encouragé par les chœurs gospels qui répètent sans cesse : "Allez, pieds, voyagez pour moi (...) allez, jambes, allez, courrez". S'il y a une histoire dans ce film, c'est l'histoire de ce corps".
(Nicole Brenez)




"IL FAUT QUE ÇA DÉCHIRE
(Je n'avais aucune illusion sur le niveau d'attention des gens dont le cerveau est délavé et gavé de banalités).
A- Le film ne pourra pas se contenter d'être un simple discours didactique, projeté dans un cinéma vide, à l'exception de dix ou vingts Frères déjà convaincus qui me taperont sur l'épaule en me disant que le film dit vraiment la vérité.
B- Si les Frères trouvent le film ennuyeux, c'est qu'il est ennuyeux. Un des problèmes aquel il faut impérativement faire face, c'est que pour attirer la masse nous ne devons pas seulmenet faire un film qui instruise, mais un film qui divertisse.
C- Il doit être capable d'exister comme un produit commercial viable sinon il n'aura aucun pouvoir. Hollywood a un portefeuille d'Achille : ils seront avec toi s'ils pensent qu'il y a du fric à se faire. mais ils ne le seront pas si c'est pour diffuser un message gratos, surtout s'il est pertinent".
(Notes, Melvin Van Peebles, Février 1970)




Split-screens crados, montage à la machette d'images n'ayant parfois aucune continuité entre elles, cadrages hasardeux, bande son entêtante, faux-raccords à la pelle, MELVIN VAN PEEBLES semble avoir poussé si loin les recherches plastiques qu'il en oublie presque qu'il a une histoire à raconter. Etais-ce intentionnel ? Probablement, tant toute son énergie semble être passée dans l'élaboration de cette révolution esthétique. Chaque plan semble si sûr de l'effet qu'il produit que le film en deviendrait presque énervant sur la longueur si le spectateur ne finissait pas par abdiquer devant une telle maestria dans le pétrissement de la matière filmique.
La rupture, il la chercha, et il la trouva. Rupture avec les conventions cinématographiques, rupture avec l'idéologie dominante, mais aussi rupture avec lui-même,si l'on compare SWEET SWEETBACK avec son film précédent, le plus conventionnel WATERMELON MAN. Cette politique de la terre brulée (ou plutôt de la "pellicule brulée"), VAN PEEBLES la paya cher puisqu'il ne tourna ni plus ni moins qu'un film dans les années 70 : DON'T PLAY US CHEAP.



La BO de ce film est un cas un peu particulier. Alors que le film était retenu par l'organisme chargé de la censure, MELVIN VAN PEEBLES alla voir le label STAX et leur vendit les bandes. La BO vit le jour avant que le film sorte en salle. Au moment où le film obtint un visa de sortie, le soundtrack était déjà sur toutes les lèvres de la communauté afro-américaine.
Composée par VAN PEEBLES lui-même, les morceaux sont joués par EARTH, WIND & FIRE, à l'époque d'illustres inconnus. Rappelons qu'avant de devenir mondialement connus avec leur soupe disco, EARTH, WIND & FIRE fût un groupe de black music vraiment très respectable, leurs premiers albums d'avant 1975 en témoignent.
Aussi déstructurée et fiévreuse que le film qu'elle illustre, cette BO surfe entre le funk-rock, la soul music, le gospel et des extraits soulignements choisis du film. Si la première écoute peut se révéler un peu rude, lorsqu'on connait le film, elle prend rapidement tous son sens et devient vite un disque imparable.
Pour les curieux, le disque est dispo ICI.